Par Charles Saulnier, directeur, Analytique des données
Microsoft AI Tour : poser les fondations de l’entreprise pionnière en IA
Microsoft a lancé la série AI Tour en septembre 2025, qui fait la tournée d’une quarantaine de villes à travers le monde jusqu’en mai 2026 pour partager et échanger sur la place grandissante que l’intelligence artificielle, en particulier les agents conversationnels et services connexes, occupe dans le quotidien des particuliers et entreprises.
Le moment pour lancer cette tournée n’est pas aléatoire : l’intelligence artificielle est de toutes les conversations des derniers mois. Elle est désormais au cœur des stratégies des entreprises qui souhaitent rester compétitives et se démarquer du lot.
L’événement faisait un arrêt à Toronto le 1er octobre dernier où plusieurs milliers de professionnels de partout au Canada se sont réunis. À cette occasion, quelques moments forts ont capté mon attention tout au long de l’événement. Voici ce que j’en retiens.
1. Devenir une entreprise pionnière en s’appuyant sur les 4 piliers de la transformation IA
La conférence a été officiellement lancée par Judson Althoff, nouveau co-PDG de Microsoft, sur un thème récurrent de l’événement : l’entreprise « frontier » ou pionnière. Ce dernier a insisté sur un point fondamental : l’IA n’est pas une fin en soi, mais un levier pour des résultats tangibles. Il a présenté quatre piliers qui devraient guider toute initiative IA, et comment ces piliers s’articulent chez Microsoft:
- Enrichir l’expérience employé : l’IA doit rendre le travail plus engageant et productif. Copilot, par exemple, libère du temps pour des tâches à forte valeur ajoutée;
- Réinventer l’engagement client : les agents IA permettent d’améliorer la satisfaction tout en réduisant les coûts. Microsoft a économisé 500 M$ et a pu traiter plus diligemment les demandes de support dans ses centres d’appels grâce à l’automatisation intelligente;
- Restructurer les processus métiers : l’automatisation des workflows est clé pour gagner en efficacité et réduire les frictions;
- Accélérer l’innovation : passer de projets pilotes à des déploiements à grande échelle, avec un impact mesurable.
Ces piliers doivent être soutenus par un leadership fort qui facilite l’adoption du virage et la gestion du changement par :
- L’éducation (« educate ») : offrir un programme de littératie des données et d’IA;
- L’habilitation (« enable ») : par exemple, développer et partager une bibliothèque d’invites disponible aux membres de l’organisation;
- L’autonomie (« empower ») : passer au niveau supérieur en ajoutant l’ingénierie de contexte aux acquis des utilisateurs.
La session s’est terminée sur une conversation avec deux partenaires : Greg Hicks, PDG de Canadian Tire et Alycia Calvert, PDG chez Ernst & Young Canada, qui ont relevé quelques éléments-clés de leur parcours de transformation et d’accompagnement des entreprises respectivement.
En voici quelques-uns en rafale :
- Il faut distinguer automatisation et intelligence dans l’entreprise, l’automatisation permet d’accélérer certaines opérations, mais l’intelligence collective permet quant à elle de libérer la valeur de chacun;
- La réceptivité à l’utilisation de l’IA dans l’entreprise varie d’une organisation à l’autre. Il est clair cependant que, si on pouvait se permettre d’attendre il y a 18 à 24 mois, cela devient un pilier incontournable de la stratégie des entreprises de tous domaines;
- Toute initiative doit s’accompagner de modèles de processus opérationnels robustes, ainsi que d’un « problem statement » concret et au bon niveau;
- Le ROI des investissements en IA ne se mesure pas uniquement en dollars, mais aussi par :
o Une augmentation de la génération d’idées à tous les paliers;
o Davantage de réutilisation de recettes gagnantes à travers l’ensemble des secteurs de l’organisation.
2. Des services financiers transformés par un virage IA
En prélude à l’allocution de M. Althoff, j’ai assisté à la session « Pioneering the future of financial services with AI », où Tom Kubik, directeur principal des services aux entreprises chez Microsoft, a dressé le portrait de l’adoption de l’IA dans les entreprises d’investissements et de services financiers. En plus de souligner l’accélération de l’adoption et le renversement de perspective des dirigeants envers la place de l’IA dans leurs priorités stratégiques, il a présenté 3 approches constatées dans le secteur quant à l’emploi d’agents par les employés :
- L’humain et son assistant : chaque employé peut s’appuyer sur un assistant tel Copilot pour simplifier et accélérer son travail;
- Agents supervisés par l’humain : des agents bonifient l’équipe en accomplissant des tâches spécifiques selon les indications de leurs collègues humains;
- Les agents opèrent, l’humain orchestre : l’humain donne les lignes directrices à une équipe d’agents qui opèrent entièrement un ou des processus d’affaires, avec des points d’arrimage définis pour encadrer certaines actions (ex. autorisation avant de procéder à la prochaine étape recommandée).
La session s’est conclue sur un panel où Cathy Bourgeois Diaz (directrice de l’infrastructure technologique chez Teachers’) et Alex Mohelsky (chef de l’innovation, Ernst & Young Canada) ont rejoint M. Kubik pour partager leur expérience sur le lancement d’initiatives IA.
Les échanges ont relevé plusieurs apprentissages, notamment :
- Tout commence par le bon discours de vente : l’investissement vaudra la peine s’il est aligné sur une initiative ou un ROI spécifique. Par exemple, la productivité de tous sera augmentée s’il a accès à des outils pour résumer ses documents plus rapidement;
- S’il est primordial de bien gouverner une initiative, de plus en plus, la valeur s’en dégage lorsque tous ont accès aux outils (plutôt qu’un déploiement restreint). De plus, capitaliser sur les agents « standard » (ex. Copilot) permet de démocratiser l’adoption;
- Le développement interne d’agents devrait être concentré sur les différentiateurs, permettant d’adresser une réalité propre à l’organisation. Il est aussi important d’être capable de découvrir aisément les agents disponibles afin de ne pas réinventer la roue (d’un autre département ou d’un éditeur déjà utilisé dans l’organisation) que d’en développer;
- Sur le sujet du ROI :
o Une des métriques importantes est la mesure de l’augmentation du pourcentage d’activités à valeur ajoutée. Un exemple concret : grâce à Copilot dans Outlook / M365, le temps de rattrapage des courriels à mon retour de vacances passe de 4 heures à 30 minutes, ce qui me donne près d’une demi-journée de plus pour me consacrer à des initiatives;
o Bien que le tableau de bord d’adoption Copilot M365 soit utile, il est important de personnaliser les indicateurs et métriques propres à l’organisation et de les intégrer à un tableau de bord d’adoption IA global;
- Parmi les obstacles à éviter : adopter massivement l’IA générative sans plan global de transformation. Après tout, la qualité des réponses des agents ne peut être plus grande que la qualité des données sur lesquelles ces derniers se basent;
- Enfin, les contextes fournis aux outils d’IA générative devraient être traités comme tout artéfact de code, avec un SDLC et une gouvernance claire. On parle ici des documents de référence, instructions IA qui ont une influence marquée sur la précision et qualité des réponses (et même des actions dans le cas d’agents autonomes ou semi-autonomes).
3. Des démos et modèles pour accélérer l’adoption
Le reste de l’événement combinait ateliers techniques, démonstrations et annonces sur des fonctionnalités en place ou à venir dans l’écosystème Microsoft. Nous avons même eu droit à une vidéo promotionnelle de Zava, entreprise (fictive) de matériel sportif intelligent, qui servait d’ancrage aux présentations animées par le personnel Microsoft.
La place prépondérante de Fabric dans les solutions présentées est à souligner, l’éditeur positionnant cette offre comme fondation en tant que point d’accès centralisé aux données. Au moins 3 des ateliers auxquels j’ai assisté présentaient l’ancrage de solutions sur l’écosystème Fabric, où l’IA joue un rôle prépondérant sur toutes les capacités, de l’ingestion à l’analyse en temps réel.
Pour les développeurs, quelques ateliers sur Github Copilot et la venue prochaine de MCP pour Windows démontraient les possibilités d’accélération et de collaboration accrue lorsque des agents et outils associés sont mis à leur disposition.
4. L’IA pour tous les acteurs de l’organisation
Bien qu’il y eût une portion technique à la journée, il y a des leçons à tirer et des appels à l’action pour l’ensemble des membres d’une organisation.
- Pour la direction : il est maintenant incontournable de définir une vision IA alignée sur les quatre piliers et d’intégrer l’IA dans la stratégie globale de l’entreprise;
- Pour les experts métier : ce qui est vrai depuis un moment devient prioritaire : cartographier les processus métiers pour identifier les opportunités d’intégration d’IA;
- Pour les professionnels de données : intégrer la préparation des données pour alimenter les modèles IA aux meilleures pratiques pour garantir la meilleure expérience possible aux utilisateurs, et aligner ces pratiques aux activités de gouvernance de données;
- Pour tous : adopter Copilot (et équivalents) et intégrer l’IA dans votre quotidien pour améliorer la productivité.
Conclusion
Le Microsoft AI Tour représente une opportunité pour l’éditeur de mettre en relief ses solutions où l’intelligence artificielle a une place prépondérante. Au-delà de l’approche commerciale, l’événement a confirmé que l’IA est une opportunité stratégique et un accélérateur emballant, mais qu’elle n’est pas non plus magique : pour capitaliser sur ses possibilités, une approche structurée est primordiale.
Plus de doute possible : ce n’est pas une mode, c’est un changement de paradigme. À nous tous de saisir cette opportunité pour transformer nos organisations.
Références
Les présentations de plusieurs conférences et ateliers sont disponibles sur le site officiel de ressources du AI Tour et sur le site dédié à l’édition de Toronto.